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UN SCENARIO A DEUX REFERENDUMS EN VUE D’UNE PAIX ISRAELO-PALESTINIENNE DURABLE.

Dernière mise à jour : 2 janv.

« Le jour d’après ». C’est par ces mots que les media en France ont pris l’habitude de désigner la période qui suivra la fin de la guerre à Gaza. Que se passera-t-il ensuite ? Il n’est pas trop tôt pour se poser la question, même si le chemin qui mène à la paix, paraît difficile à imaginer dans la situation de violence extrême qui prévaut aujourd’hui. Cette immense tragédie pour deux peuples ennemis qui se déroule sous nos yeux comporte-t-elle malgré tout une lueur d’espoir ?
Il faut le souhaiter.

Deux états, la reprise d’une idée qui avait été mise au placard
Côté israélien, il est vraisemblable que Netanyahou et ses alliés seront évincés du pouvoir à la fin des hostilités. Le fait de n’avoir pas su prévenir les massacres du 7 octobre leur est reproché par la grande majorité des Israéliens.
L’électrochoc sans précédent que constitue la tuerie perpétrée par le Hamas et la guerre très meurtrière qui s’en suit pourraient amener les Israéliens à reconsidérer leur vision sur l’avenir du pays. Il est probable que les nouveaux dirigeants prendront conscience des dangers permanents que représente la poursuite du statu quo, mais aussi de l’hostilité croissante envers Israël, suscitée à travers le monde par la poursuite de l’occupation. Avec les images terribles de la guerre à Gaza, le pays s’est déjà vu perdre une bonne partie du capital d’empathie engendré par les massacres du 7 octobre.
La lassitude des guerres à répétition, et la prise de conscience des menaces permanentes qui pèsent sur le pays devraient favoriser une évolution de l’opinion de la population israélienne sur ce sujet. Elle pourrait à nouveau pencher majoritairement en faveur d’un processus de paix.

Le président américain a exprimé sa totale solidarité avec Israël, et a joint les actes à la parole en déplaçant deux porte-avions et leur armada vers la région. Ce geste fort a empêché jusqu’ici le Hezbollah et les Iraniens, qui seraient tentés de le faire, de se joindre pleinement à la bataille. Les Israéliens de tout bord sont très reconnaissants à leur allié. Fait sans précédent, des conseillers militaires américains se sont joints au commandement central israélien dès la première phase des bombardements massifs. Cette proximité oblige Israël.
Biden plaide fortement pour la recherche d’une solution à deux états dès la fin des hostilités. Il est contesté aujourd’hui pour son soutien jugé excessif à Israël par la gauche de son parti, et par son électorat noir. Le Washington Times écrit que sa position « pro-Israël » pourrait lui coûter des voix chez les jeunes. Actuellement il est légèrement en retard sur Trump dans les sondages. Très impliqué dans ce conflit, le président devrait mettre la pression sur Jérusalem pour l’acceptation d’une paix à deux états avant les élections américaines de 2024.

Côté palestinien, il est très difficile de deviner aujourd’hui la situation qui prévaudra à la fin de la guerre. Il n’est pas envisageable de négocier une paix si les représentants du Hamas ont toujours le pouvoir à Gaza. Cependant il est difficile de croire que le Hamas disparaitra totalement même si, de OLP aux pays arabes modérés, cette disparition est souhaitée dans la majorité des pays de la région en raison de son appartenance aux Frères Musulmans, de sa radicalité, et de ses liens avec l’Iran. Le niveau de nuisance que le Hamas conservera la fin de la guerre sera déterminant.

Des plans s’échafaudent déjà pour l’après Hamas. On a le plus souvent évoqué une direction du territoire par une Autorité Palestinienne rajeunie en coalition avec des pays Arabes modérés. Ce pourrait être aussi conjointement avec l’ONU. La présence de l’Arabie Saoudite faciliterait un financement dont les Palestiniens auront un besoin vital L’Égypte qui a administré le territoire de 1948 à 1967 et qui est restée en contact permanent avec les dirigeants de Gaza connaît bien le sujet mais craint d’être embourbée dans Gaza. Le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, a fait savoir qu’il ne viendrait pas à Gaza dans les bottes de l’armée israélienne. Il a dit cependant pouvoir envisager la chose dans le cadre d’un processus de paix qui comprendrait l’évacuation par Israël des territoires occupés. Mais il a 87 ans et a perdu toute autorité. Des noms de successeurs possibles circulent.

Un seul ou deux états ?
La solution à un seul état dont Israéliens et Palestiniens seraient citoyens avec des droits égaux a aussi été évoquée. Une vingtaine d’anciens ambassadeurs de France ont signé récemment une tribune dans Le Monde pour proposer cette voie. Elle est irréaliste et on peut s’étonner de la méconnaissance du terrain montrée par ces diplomates. Dans cet état unique, 7 millions de Juifs et autant d’Arabes de culture et de niveaux économiques différents, auraient à vivre côte à côte après les conflits violents qui les ont opposés. Les Israéliens rejetteraient très fermement cette solution qui signifierait la fin de l’idée d’un « état des juifs » qui était à l’origine de la création d’Israël. L’OLP pour sa part avait également fait connaître sa préférence pour une issue à deux états à plusieurs reprises. La création de deux états sur les bases des frontières de 1967 aménagées paraît être la seule voie acceptable par les deux parties et en définitive la seule porte de sortie.
Quasiment tous les états arabes ont fait savoir qu’ils reconnaîtraient Israël dans ce cas de figure. Les Pays Européens et les Etats Unis y apporteraient sans aucun doute leur soutien actif.

Des défis importants à surmonter par les israéliens en cas de solution de paix à deux états
De nombreux problèmes, sources de conflit, seraient à résoudre dans le cadre dela solution à deux états. Le statut de Jérusalem et des lieux saints ainsi que la demande de retour des réfugiés en font partie. Ils ont été longuement débattus par le passé et des solutions ont été approchées. La question d’une indemnisation des réfugiés a été évoquée. La démilitarisation du nouvel état palestinien, condition sine qua non pour les Israéliens, risque de ne pas être facile à faire accepter à la partie palestinienne. . La durée pendant laquelle le nouvel état palestinien serait démilitarisé est susceptible de faire l’objet d’âpres discussions.
Mais la grande difficulté de la solution à deux états, celle dont l’ampleur donne le tournis, est celle des nouvelles frontières et du sort des populations israéliennes vivant depuis des années dans les territoires conquis par Israël en 1967. Il y a environ 720 000 (1) israéliens qui vivent aujourd’hui dans ces territoires. Ce chiffre comprend la population juive du Golan, de Jérusalem Est, celle d’agglomérations Israéliennes importantes construites le long de la frontière Israélienne de 1967 et celle des très nombreuses colonies construites à travers la Cisjordanie. Il n’est pas envisageable d’évacuer autant d’Israéliens. La solution pourrait être recherchée dans les plans de paix qui ont été négociés dans le passé entre Israéliens et Palestiniens.
Ci-dessous la proposition présentée par Ehoud Barak à Yasser Arafat lors des négociations de paix qui se sont déroulées à Taba dans le Sinaï Egyptien en Janvier 2001. Les deux dirigeants étaient arrivés très près d’un accord sur ce tracé.

PROPOSITIONS ISRAELIENNES LORS DES DISCUSSIONS DE TABA EN 2001 SUR
LESQUELLES LES DEUX PARTIES ETAIENT ARRIVEES PRES D’UN ACCORD

En rose les territoires qui devaient être cédés à Israël en contrepartie d’une superficie équivalente donnée à l’état palestinien le long de la bande de Gaza.
La majorité des Israéliens de Cisjordanie
se concentraient autour de Jérusalem et de
4 grandes agglomérations en rose.
Betar, Modin Illite, Maale Adoumim et Ariel qui devaient être intégrées au territoire israélien.
Ce tracé de partage a été élaboré en 2001 alors que 365 226 Israéliens vivaient en Cisjordanie et à Jérusalem Est (chiffres de l’année 2000 Statistical Absract of Israel. Statistical Yearbook of Jérusalem)
Le chiffre actuel est évalué à 720 000. Près du double .
Aujourd’hui, d’après une étude de Shaul Azieli, les Palestiniens auraient à céder Israël seulement 4% du territoire de la Cisjordanie dans les futures « zones roses », en contrepartie d’autant de superficie cédée par Israël le long de la bande étroite de Gaza surpeuplée qui a bien besoin de cette surface supplémentaire. Toujours d’après Shaul Azieli il y aurait 114 colonies légalisées par Israël et 110 avant-postes illégaux installés de facto en Cisjordanie.







Comme déjà mentionné, les territoires en rose devaient être cédés à Israël. En contrepartie, les Israéliens devaient donner aux Palestiniens une superficie équivalente d’un territoire qui leur appartient le long de l’enclave de Gaza, ce qui aurait permis d’élargir cette bande étroite et surpeuplée. L’on aménagerait également une route ou tout autre moyen de connexion terrestre entre la Cisjordanie et Gaza, afin que les deux parties du futur état palestinien soient physiquement reliées entre elles.

Ce plan de partage de Taba proposé en 2001 ne peut être appliqué tel quel aujourd’hui en raison du nombre très important d’Israéliens qui auraient à vivre sous le drapeau palestinien. La population juive de Cisjordanie était beaucoup moins importante et les colonies beaucoup moins nombreuses en 2001. Il faudrait probablement inclure de nouveaux territoires dans le schéma d’échange pour permettre à certaines colonies de rester à l’intérieur du territoire d’Israël. Mais quel que soit l’aboutissement d’une négociation sur un nouveau découpage, il est vraisemblable qu’au moins 100 000 Israéliens, peut-être 200 000, se retrouveraient toujours côté palestinien.

Une autre approche intéressante du sujet est abordée dans une étude de Shaul Azieli, universitaire et ancien conseiller de Yitzhak Rabin et Ehud Barak au cours des négociations de paix. Il a évalué à 80% la population Israélienne des territoires occupés vivant sur 4% de la Cisjordanie. Autrement dit, si Israël évacuait aujourd’hui les 96% restants, il resterait environ 144 000 Israéliens sur place (sur les 720 000) En somme, la concentration de la population israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem Est ferait que la superficie supplémentaire à échanger avec les Palestiniens au cours d’un nouveau traité de paix créerait un problème important certes, mais gérable.

Quoi qu’il en soit, un conflit très important risque de naître du fait que la majorité des 100 000 ou 200 000 israéliens, vivant dans les implantations et laissés à l’extérieur de la nouvelle frontière, n’accepterons pas de vivre sous l’autorité d’un gouvernement palestinien. Il est probable aussi que les Palestiniens ne donneront pas leur accord à la présence sur leurs terres de ceux qu’ils considèrent être des colonisateurs . Il faudrait donc les obliger à déménager en territoire israélien. Pour en mesurer la difficulté on peut se référer à la résistance très vive rencontrée par Jérusalem en 2005  lorsque le pays a eu à évacuer les 8000 Israéliens de Gaza. L’armée israélienne avait eu à trainer par terre devant les caméras de télévision, les familles qui ne voulaient pas quitter les lieux. Pour ce qui est des colonies en Cisjordanie la tâche serait autrement plus rude. Des villes ont été construites, où vit depuis des années une population qui y est très attachée. Il y a des routes qui relient ces villes et de nombreuses infrastructures créées par les Israéliens. C’est aussi une population qui milite majoritairement en faveur d’un état hébreu de la Méditerranée au Jourdain. Elle comprend des extrémistes, et des religieux ultra-orthodoxes. Elle vote, plus souvent qu’ailleurs, pour les partis d’extrême droite actuellement membres de la coalition au pouvoir. Ces partis ne voudront pas céder un pouce de territoire et se battront pied à pied. Des violences importantes entre Israéliens, et des situations de crise aboutissant à un échec du processus ne seraient pas à exclure.

Des inconnues côté palestinien
Côté Palestinien de grandes difficultés s’annoncent aussi. Nous ne savons pas quand et dans quelles conditions se terminera cette guerre. Après avoir subi des bombardements intensifs, avoir vu ses quartiers dévastés et déploré des milliers de victimes, qu’elle sera l’état d’esprit des Gazaouis ? Il est vraisemblable que des gens qui ont perdu des proches, et retrouvent un champ de ruines à la place de leur maison vivront longtemps dans un esprit de revanche. Il en sera probablement de même chez les Palestiniens de Cisjordanie.
Y aura-t-il encore un soutien important au Hamas et à ses positions extrémistes ? Où alors la lassitude de la guerre, l’espoir d’une reconstruction, et des perspectives de paix pousseront-ils la population vers des dirigeants prêts à négocier ? De nombreux commentateurs et hommes politiques à travers le monde sont pessimistes à ce sujet, à l’image d’Alain Bauer et de Dominique de Villepin en France, qui estiment qu’Israël se retrouvera dans une situation « pire qu’au départ » à la fin des hostilités, le Hamas ayant augmenté le nombre de ses sympathisants. Lloyd Austin, le Secrétaire à la Défense Américain a également exprimé ses inquiétudes sur ce point. Rappelons que le Hamas est aussi très populaire en Cisjordanie. Même avec un Hamas réduit, des négociations de paix seront impossibles si les rancœurs à l’égard des Israéliens demeurent à leur paroxysme. (2)

Israël cherche à convaincre que la responsabilité de cette guerre et des destructions est portée par le Hamas en raison des massacres commis le 7 octobre et du fait qu’il utilise les civils comme bouclier. Peut-être faudra-t-il attendre quelques années pour pouvoir panser les plaies et s’atteler à la reconstruction des quartiers dévastés.
La participation de pays Arabes à la nouvelle gouvernance de l’enclave et une reconstruction bien amorcée devraient contribuer à apaiser les esprits. Mais les luttes d’influence interarabes seraient probablement transposées dans les territoires occupés. Une confirmation solennelle par Israël de son accord pour amorcer un processus de paix sur la base de deux états susciterait une espérance qui devrait grandement contribuer à améliorer le climat. L’espoir serait la meilleure arme pour lutter contre les idées extrémistes du Hamas.
La question de la gouvernance de l’entité palestinienne future se poserait avec une grande acuité. L’Autorité Palestinienne, complétement déconsidérée aurait, sous l’impulsion de nouveau dirigeants, à regagner la confiance de ses administrés. Elle gagnerait peut-être à changer de nom et d’identité pour apparaître comme vraiment neuve et non partisane. Elle aurait certainement de nombreux soutiens internationaux si elle arrivait à représenter de nouvelles perspectives de paix.


Deux référendums pour consolider la paix
Ehoud Barak avait prévu, déjà en 2001, de soumettre le plan de paix de Taba à un référendum en Israël. Cette démarche devrait toujours être d’actualité, y compris pour la partie palestinienne car elle serait susceptible de changer substantiellement la face des choses. Il s’agirait pour les négociateurs des deux parties, d’arriver d’abord à un accord complet dont les grandes lignes seraient globalement soumises à un référendum du type oui/non De multiples raisons plaident pour ces référendums simultanés.

Des déplacements très importants de population et des échanges de territoire à faire admettre
Nous l’avons vu, en Israël les déplacements forcés d’une population de 100 000 ou de 200 000 personnes, dans le cadre du nouveau partage des territoires, seraient extrêmement difficiles à mettre en œuvre. Les habitants des implantations et les opposants politiques y opposeraient une résistance farouche et peut-être violente. Une telle décision qui marquerait si profondément l’histoire du pays aurait à être prise par un gouvernement passager à l’échelle du temps, et forcément contesté. Elle serait, à ne pas en douter, remise fortement en question. Un vote référendaire par une majorité claire de la population serait plus difficile à remettre en cause puisqu’il s’agirait d’une décision souveraine du peuple israélien.
Le problème se poserait de la même façon pour les Palestiniens au sujet de la reconnaissance d’Israël et de l’échange de territoires. Ce serait pour eux l’abandon du rêve de la Palestine reconquise, et du retour des réfugiés. Les opposants à la reconnaissance d’Israël sont nombreux chez les Palestiniens et dans les pays musulmans. Les ressentiments à l’égard d’Israël sont très forts et le Hamas, même sans
sa puissance militaire comptera toujours de nombreux partisans. Sur place, un gouvernement nouvellement constitué, dépourvu d’un leader charismatique comme l’était Yasser Arafat risque de ne pas résister. D’autant que ce ne sera peut-être pas un gouvernement élu à ce stade du processus. Rappelons que Yasser Arafat, qui pourtant avait toute la légitimité et le charisme nécessaires, avait dit qu’il craignait d’être assassiné à l’image de Sadate, si il signait la paix avec Israël. Un accord approuvé par un vote de l’ensemble de la population palestinienne trouverait toute sa légitimation et réduirait sensiblement les oppositions aussi bien dans le nouvel état, que partout ailleurs dans le monde ou des gouvernements, à l’image de l’Iran, voudront s’opposer à la reconnaissance de l’Etat Israélien.
Un oui simultané des deux populations voisines aurait un effet psychologique collectif. La dynamique ainsi créée, devrait contribuer à rapprocher les deux voisins ennemis
Aucune des deux parties ne se fait confiance, et la situation sera probablement bien pire à la sortie de la guerre. Il sera difficile d’avancer dans un tel projet avec le climat de haine et de méfiance qui risque de prévaloir. Un oui partagé devrait sensiblement contribuer à améliorer ce climat.

Les Israéliens se méfient beaucoup d’un double langage de leurs interlocuteurs. Ils craignent qu’une fois la paix signée et l’Etat Palestinien constitué, les forces extrémistes en Palestine reprennent le dessus et continuent à œuvrer pour la disparition de leur pays. Ils citent le cas du Hamas, qui, prenant le pouvoir à Gaza après l’évacuation de l’enclave, a entrepris de lancer aveuglement des roquettes sur les villes israéliennes au lieu de se soucier du bien être des Gazaouis. (3) Il va de soi qu’après un référendum favorable au oui, les futurs « candidats terroristes » seraient beaucoup moins crédibles lorsqu’ils se réclameront du soutien populaire.

Les Palestiniens pour leur part, ont éprouvé pendant des années un sentiment d’humiliation suscité par des guerres perdues et par l’occupation. Ce sentiment s’est transformé chez nombre d’entre eux en une haine des Israéliens auxquels ils prêtent par ailleurs des desseins machiavéliques. Jérusalem demandera par exemple la démilitarisation, du nouvel état palestinien pour des raisons de sécurité. Les Palestiniens accepteront-ils de confier une partie de leur propre sécurité à leur ancien ennemi ?
Un double oui pour la paix des deux populations voisines exprimé au même moment, aurait une signification toute particulière. Il s’agirait d’un événement considérable qui rentrerait dans l’histoire. La conscience d’avoir partagé un tel événement est susceptible de créer une  « catharsis », en d’autres termes une  purgation collective des passions agressives accumulées au cours des années. La conscience d’avoir choisi ensemble la même direction dans un moment éminemment historique devrait inévitablement contribuer à atténuer les ressentiments et à créer un climat favorable à un rapprochement. Les deux états en auront bien besoin pour avoir des relations harmonieuses malgré le passé qui les sépare.
On ne peut espérer bien sûr effacer totalement les rancœurs, les méfiances et humiliations causées par tant d’années de conflits avec une telle démarche. Il faudra bien d’autres évènements et surtout beaucoup de temps pour cela.

Quelles sont les chances d’un référendum réussi et d’un double oui ?
En Israël où la vie démocratique est bien ancrée, organiser un référendum ne devrait pas poser de problème. Dans les Territoires Palestiniens cela nécessiterait une longue préparation de la population. Une supervision internationale pour éviter les troubles et les fraudes susceptibles de se produire paraît indispensable.
L’on ne peut connaitre avant la fin de la guerre, ce que sera l’état des opinions dans les deux populations. Les Israéliens avaient exprimé à de nombreuses reprises par le passé leur intérêt pour une solution à deux Etats. Le traumatisme immense du 7 octobre et de la guerre qui s’en suit, devraient leur faire prendre conscience des dangers de la poursuite de l’occupation.

La pression insistante des Américains sur ce sujet devrait aussi se faire sentir. Si un tel référendum à lieu, le oui pourrait s’imposer si les conditions de l’accord conviennent à la population. Les habitants des territoires devant être évacués auraient droit à des compensations importantes. Un tel processus nécessiterait l’arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants dans le pays. Etant donné la très forte baisse de popularité de Nétanyahou après le 7 octobre, ceci est tout à fait probable.
Pour ce qui est des Palestiniens il est plus difficile d’imaginer un référendum paisible, et une réponse favorable dans la situation de violence paroxystique qui prévaut aujourd’hui. A la fin de la guerre on peut craindre qu’après tant de morts et de destructions occasionnées, ils ne soient pas disposés à chercher un accord. Il se peut que le Hamas, même privé de son appareil militaire, conserve son influence et œuvre toujours pour un combat jusqu’à la destruction de l’Etat d’Israël. Il est vrai que nous sommes aujourd’hui bien loin de la paix.
Il faudra probablement attendre que l’espoir puisse prendre le dessus sur le ressentiment. L’amorce de la reconstruction du pays devrait susciter les habitants à regarder vers l’avenir. Un nouveau gouvernement plus pacifiste en Israël serait plus facilement accepté comme partenaire d’une négociation. Il faut aussi rappeler que les Palestiniens auraient beaucoup plus à gagner de la paix que leurs voisins israéliens. L’espoir enfin concrétisé d’un état tant attendu, d’une liberté enfin retrouvée et la perspective de conditions de vie bien meilleures devrait nécessairement peser dans la balance. De même que les indemnités qui seront très probablement prévues pour les familles descendant des réfugiés.

Cependant, deux conditions paraissent nécessaires à l’obtention d’un vote favorable des Palestiniens. Il faut d’abord que le projet soit porté par un nouveau leader ayant du charisme, et non soupçonné de collusion avec Israël, afin de contrer l’influence des groupes extrémistes tels que le Hamas. D’où l’idée soulevée par certains de quelqu’un perçu comme un « héros palestinien » (à l’image de Marwan Barghouti ). Il faut aussi que l’obtention d’un état par ce vote soit perçue comme une victoire qui serait une revanche sur des humiliations subies pendant de longues années, et non comme une défaite. (4) Précisons que ces conditions sont tout aussi indispensables à une paix décidée par un gouvernement palestinien sans passer par un référendum.

De nombreux pays viendraient sûrement se pencher sur le berceau de ce nouveau né tant attendu. Un sondage réalisé ces jours-ci, en pleine guerre, à Gaza et en Cisjordanie par un institut palestinien (5) nous amène à être optimistes. Selon ce sondage, 68% des Palestiniens disent être « moins en faveur d’une paix avec les Israéliens » depuis la guerre à Gaza. Ce qui est compréhensible. Mais en même temps à un moment ou l’hostilité est à son maximum, 37% d’entre eux souhaitent toujours un accord de paix. Ce dernier chiffre devrait être amené à progresser sensiblement avec la reconstruction et les perspectives de paix après la guerre.

En somme, vus d’aujourd‘hui, ces scénarios de double référendums réussis peuvent paraître trop lointains et trop optimistes. Mais il faudra bien chercher un chemin pour la paix malgré les rancœurs, et ce serait une voie prometteuse le jour les deux gouvernements décideront à nouveau de prendre ce chemin. Etant donné la situation chaotique qui prévaudra à l’arrêt des hostilités, il est possible que l’enclave de Gaza soit mise sous tutelle internationale pendant un certain temps. La participation de pays arabes à cette tutelle paraît souhaitable. Cette durée devra être mise à profit pour amorcer la reconstruction et préparer la population à une solution de paix..

Si cette démarche de référendum, prévue en 2001 par Ehud Barak alors premier ministre, semble bien être le meilleur moyen d’imposer l’évacuation de la Cisjordanie par les Israéliens, un double référendum n’est évidemment pas la seule solution à envisager. De nombreux Israéliens partisans de la paix, désespérant de leur propre gouvernement, souhaitent même que ce soit la communauté internationale, Américains en tête, qui impose la paix à Israël avec des sanctions à la clé. Ce serait aussi un autre moyen d’obliger les Israéliens réticents à évacuer la Cisjordanie.

Il est d’ailleurs possible, avant une consultation référendaire du type oui/non, de prévoir le résultat d’avance à peu de choses près, notamment à l’aide de sondages d’opinion. Il va de soi que de tels référendums ne devraient être organisés que si des études préalables réalisées au bon moment, montrent de bonnes chances d’obtenir des résultats positifs. Dans le cas contraire, si l’on pressent que le non va l’emporter, il faudra chercher une voie plus classique pour entériner un accord, celle des décisions prises par chacun des gouvernements sans consultation des populations. Dans ce cas la tâche des deux gouvernements, qui se heurteront probablement à de fortes oppositions, serait plus difficile. La paix serait certainement bien mieux consolidée par un double référendum. Il y a là une voie qui mériterait être tentée.

«AVOIR LE PESSIMISME DE L’INTELLIGENCE ET L’OPTIMISME DE LA VOLONTE »

ANTONIO GRAMSCI

(1) Bureau Central des Statistiques de l’Etat d’Israël / 2022

(2) L’état d’esprit dans les territoires est aussi illustré par le fait qu’un personnage comme Marwan Barghouti,résistant palestinien de l’OLP, emprisonné par Israël depuis 2002 pour avoir tué des Israéliens, soit toujours considéré comme un héros. Il est cité parmi les personnalités qui pourraient succéder à Abbas. Que quelqu’un désigné par les Israéliens de « terroriste » figure parmi les principaux candidats à la direction des Palestiniens, en dit long. Après des années d’humiliation un « héros de la résistance »  pourrait apporter aux palestiniens un peu de fierté, et faire aussi en sorte que les concessions palestiniennes inévitables ne soient pas qualifiées de trahison.

(3) Le cas de Gaza où le Hamas une fois élu, a poursuivi son projet de destruction d’Israël et lancé ses roquettes sur leurs villes, malgré l’évacuation totale de l’enclave, est souvent donné en exemple par les Israéliens. Ils craignent que cela reproduise à partir de la Cisjordanie, qui n’est qu’à quelques kilomètres des grandes villes israéliennes.

(4) A ce propos on rappelle souvent la paix signée entre Israël et L’Egypte après le guerre dite de Kippour en 1973, où le Président Sadate avait pu reconnaître son voisin, Israélien seulement parce que l’Egypte avait obtenu des premiers succès militaires sur le terrain. D’après le Washington Post, Kissinger aurait même retardé les livraisons d’armes à Israël afin que l’Egypte obtienne ces succès au début de la guerre.

(5) Sondage réalisé par AWRAD à Gaza et en Cisjordanie du 31 octobre au 7 novembre 2023 auprès de 668 personnes.




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